Les colloques ont souvent été, pour moi, sources d’inspiration et de ressourcement. Il n’y a pas à dire, ça fait quand même du bien de se retrouver entre personnes qui vibrent pour les mêmes choses ! Depuis deux mois, j’ai eu la chance de pouvoir prendre part à des espaces de partage d’expériences en lien avec l’innovation managériale et j’ai été frappée de plusieurs choses.
A la question qui revient toujours : « Pourquoi ? ». Que l’organisation soit nouvelle ou qu’elle ait déjà une longue vie derrière elle, la force des valeurs revient toujours. Dans le cas d’une création, elle a un impact visible sur la façon dont l’organisation est créée. Damien Lohier, entreprise Le Moulin explique que les trois associés se sont clairement posé la question du type d’entreprise qu’ils avaient envie de construire, de ce qu’ils avaient envie de vivre en son sein. Ils sont partis de leurs propres valeurs pour construire leur modèle. La coopérative GRAP a, elle, inscrit dans son ADN deux piliers : l’alimentation responsable et la démocratie au travail. Dans cette structure, l’un ne peut aller sans l’autre et cette exigence perdure alors que la coopérative connaît une croissance de 30 à 40 % chaque année. Un vrai défi qui les amène aujourd’hui, après avoir repensé collectivement leur stratégie pour les 5 ans à venir, à ouvrir à nouveau le chantier gouvernance. Matthieu Brunet, de l’entreprise Arcadie, témoigne de son côté qu’ils ont bien essayé de fonctionner comme une entreprise « normale » et d’endosser la posture de dirigeants « normaux » mais ça ne collait ni à leur identité, ni à leurs valeurs d’entreprise familiale très engagée dans l’agriculture bio et l’écologie plus généralement. Il a fallu trouvé une autre voie.
Même si les valeurs sont importantes, elles ne suffisent souvent pas à passer le cap et décider d’engager une démarche d’innovation managériale. Il faut que les circonstances s’y prêtent voire poussent à passer à autre chose. Pour Grap, Arcadie et Le moulin, la forte croissance de l’activité et, par conséquent, des effectifs, a été un facteur déterminant. Damien Lohier le dit clairement, il était impossible de fonctionner à 90 comme nous fonctionnions à 8. Le seuil de bascule s’est situé à 20 salariés. A ce moment là, il a semblé nécessaire de mettre de nouvelles règles de fonctionnement et cela a généré de la résistance dans l’équipe. Selon lui, deux chemins s’offraient alors aux dirigeants :
La décision a alors été prise de partir sur le modèle de l’entreprise libérée.
Pour Matthieu Brunet, le seuil s’est situé à 50 personnes. Avant cela, Arcadie avait développé son propre mode d’organisation dans une logique de contre-courant / contre-système. Ce qui fonctionnait jusqu’alors n’était plus valide à 50 et en même temps, les dirigeants ne voulaient pas rentrer dans des modes d’organisation classique (« mettre des contremaîtres ») ; « il n’était pas question de rentrer dans le rang ». Les dirigeants actuels ont senti que c’était peut-être l’opportunité d’imprimer leur propre marque « de 2ème génération » dans cette aventure familiale. C’est ainsi que la démarche d’innovation managériale s’est lancée. Chez Grap, comme en témoigne Marie Michel, il a fallu un trop plein d’activités pour que l’équipe se dise « Stop, prenons le temps d’encaisser cette forte croissance avant de lancer autre chose ». En a découlé une stratégie sur les cinq années à venir pour opérer un recentrage et le lancement, pour soutenir cette stratégie du chantier pour une nouvelle gouvernance.
Voici donc trois témoignages qui, au-delà du fait que les entreprises se situent toutes les trois dans le domaine de l’agro-alimentaire, ont des points communs sur ce qui les a poussées à se mettre en mouvement. Enfin, comme cela a été mentionné à plusieurs reprises, s’il est possible de raconter comment les choses commencent dans ce domaine, il n’est pas certain que ce type de démarche puisse un jour prendre fin. Les organisations sont vivantes et en ce sens, elles sont toujours en mouvement…