En visite chez Ulterïa

Un projet inspirant

Réunir sur un même site une usine , une école Montessori ouverte à tous, une chèvrerie et un magasin bio et une maison pour la transition du territoire sur un même lieu, c’est sacrément gonflé ! C’est un projet entrepreneurial qui, décidément, détone. Les dirigeants d’Ultérïa en ont eu l’idée et c’est en train de se mettre en place.

C’est une drôle d’entreprise en pleine campagne bourguignonne. Une entreprise qui n’a pas froid aux yeux et qui se donne les moyens de ses ambitions. Car sa raison d’être n’est rien d’autre que donner naissance à, alimenter un écosystème créateur de valeur pour l’homme et le vivant. Il ne suffit pas de le dire, encore faut-il le faire !

J’avais été assez impressionnée par leur approche quand j’avais visionné une courte séquence les concernant dans Après-demain, le film. J’avais très envie d’aller voir mais je ne savais pas trop comment m’y prendre jusqu’à ce que j’apprenne l’existence de l’Ulterïa Tour, une journée pour mieux appréhender ce projet. Bingo ! Et ça tombait bien, j’avais prévu être en Bourgogne à ce moment là : les planètes s’étaient alignées. Je suis donc partie en road trip bourguignon.

Des dirigeants inspirés et inspirants

La première chose qui m’a frappée en arrivant là-bas, c’est l’énergie d’Alexis Nollet, l’un des dirigeants. L’énergie de quelqu’un qui fait ce en quoi il croit profondément. Bon, je le savais car j’avais écouté plusieurs podcasts avec lui, mais quand même ! Il a passé la matinée avec nous. Il nous a fait le récit de son histoire, de celle de l’entreprise. Vous savez, quelque chose de l’ordre des petites histoires dans la grande. Ça a été passionnant et très vivant.

Ils sont deux co-dirigeants. Ils paraissent inséparables tant ils se suivent depuis leurs études supérieures. On sent bien que l’histoire les a un peu chahutés par moment mais, ce qui semble plus fort que tout, c’est le sens qu’ils donnent à leur engagement. Ils auraient pu choisir de vendre leur entreprise et de passer de beaux jours au soleil lorsqu’un de leur fournisseur américain a proposé de les racheter. Mais, ils se sont regardés, les yeux dans les yeux et ont décidé que non, ils ne vendraient pas. Ils n’avaient pas fait tout ça pour ça ! Alors, quitte à continuer, autant y aller à fond et tout mettre en œuvre pour faire de leurs rêves une réalité. « Les pieds dans la glaise et la tête dans les étoiles », ils ont à cœur que leurs valeurs se déclinent dans la réalité. On sent une grande exigence de la qualité, voire une quête de l’excellence. Il faut bien ça pour inspirer d’autres.

Ils ont le sens de leur action chevillé au corps. Très inspirés par le Laudato si’ du Pape François, Alexis Nollet fait du projet Ulterïa une déclinaison possible de l’écologie intégrale sur ce petit bout de territoire. Pour eux, désormais, c’est une évidence, tout est lié ; social, économique, environnemental. Et ce qu’ils sont en train de construire se veut en être un démonstrateur…

Un site démonstrateur

Parce qu’ils ont à coeur de créer un nouveau modèle sociétal qui répondent aux besoins humains, ils ont décidé de réunir sur un même site, à Saint Bris le Vineux, des activités aussi différentes qu’une usine, une école Montessori, un élevage et une maison écocitoyenne. A part la maison écocitoyenne, toutes ces activités existent déjà mais ne sont pas encore au même endroit. C’est un grand champ au milieu des vignes.

L’usine de MobilWood est juste magnifique. Et ce n’est pas le fruit du hasard. Imaginez une usine où :

  • le confort des travailleurs a été le premier critère pris en compte : traitement du bruit, de l’air, lumière naturelle, isolation pour une température vivable été comme hiver…
  • les matières utilisées sont nobles et réutilisables. L’usine a été pensée pour être démontable.
  • Parce que les besoins changent, tout est fait pour que le lieu puisse aussi évoluer.
  • Le lieu génère de l’énergie qui est consommée sur place.
  • Les extérieurs sont eux aussi soignés de manière intelligente.

En plus de ça, c’est juste beau et ça donne envie d’aller y travailler. Tout cela a été mûrement réfléchi comme l’explique très bien Fantin dans Mon usine du berceau au berceau (cradle to cradle). Et si le coût au départ est un plus élevé, les économies d’énergie, entre autres, rendent le modèle rentable à terme.

Un écosystème ouvert

Ce que j’ai saisi lors de cette visite, c’est que, finalement, Ulterïa, ce n’est pas une entreprise mais bel et bien un écosystème ouvert sur l’extérieur et hyperconnecté. Cela se manifeste partout :

  • L’école Montessori n’est, bien sûr, pas destinée uniquement aux enfants des employés des entreprises d’Ulterïa. C’est une vraie école, ouverte à toutes les personnes du territoire souhaitant offrir à leurs enfants cette pédagogie. Evidemment, une école, sur un territoire, c’est très structurant.
  • La maison écocitoyenne en devenir se veut être un lieu ouvert à tous, vecteur de lien social et de projet pour soutenir la transition du territoire.
  • La chèvrerie est aussi un lieu pédagogique et la petite épicerie qui y est adossée est un lieu de passage et de brassage.
  • Un organisme de formation a été créé pour accompagner les entreprises de l’écosystème et toute structure du territoire ou pas qui pourrait avoir besoin de ses services.
  • Ils organisent des rencontres avec d’autres entreprises pour mener des réflexions communes comme par exemple : être propriétaire d’une entreprise, ça veut dire quoi ? Comment gérer les communs ?
  • Il existe de nombreuses participations croisées entre Ultérïa et d’autres entreprises qui rentrent en résonnance avec le projet…

Bref, faire une liste exhaustive de toutes les manières dont cela se concrétise est absolument impossible. Cette ouverture semble être un des piliers de cette approche. On le sait, être en lien crée de la richesse (avec un grand R), de l’abondance, même ; et ce projet en est aussi une démonstration.

Une gouvernance qui trouve ses marques

Enfin, ce qui m’a tout particulièrement touchée dans les partages, c’est cette réflexion qu’ont menée les dirigeants sur la protection de la personne morale. En effet, au moment de la proposition de rachat, les deux co-dirigeants ont pris la mesure de ce que cela signifiait d’être propriétaires d’une entreprise. Tout aurait pu s’arrêter là mais ça n’a pas été le cas car ils ont choisi de continuer. Sébastien et Alexis ont alors réalisé que beaucoup de choses existaient pour protéger les intérêts des propriétaires mais qu’il y avait un manque quant à la protection de la personne morale. Ils ont donc cherché une voie pour rééquilibrer le pouvoir des actionnaires et celui de la personne morale ; l’enjeu est de protéger le projet en tant que tel et le sens qui le porte. Ils ont, pour ce faire, créer un fonds de dotation auquel ils ont cédé chacun 5 % de leurs parts. Il détient donc ainsi 10 % de capital. Il siège au comité stratégique et a un droit de veto sur toutes les décisions concernant l’évolution du capital, entre autres. Son rôle est de veiller à ce que les décisions soient prises dans le respect des valeurs et de la mission d’Ulterïa. Une fondation d’actionnaires est, en même temps créée, pour mener des actions philanthropiques sur les territoires où Ulterïa est implanté en lien avec l’éducation et la transition.

Bref, comment vous dire ? Je suis ressortie de cette rencontre avec une impression de foisonnement. Je suis très touchée par ce lien, au coeur du projet, entre l’entreprise, le territoire et les individus. L’ancrage territorial se fait en même temps que l’entreprise de développe. Il n’est pas vu comme étant au service du développement de l’entreprise uniquement, comme c’est souvent le cas, mais pour un développement du commun, dans une logique d’abondance.

Il y a des jours où j’aimerais être une chercheuse pour pouvoir me consacrer à observer comment tout cela se développe et interagit. Il y a là un modèle en construction. Un parmi d’autres et nous avons tellement à inventer…

C’est ressourçant de voir tout cet écosystème en mouvement qui cherche, expérimente, apprend de ses erreurs de ces réussites et va de l’avant toujours et encore.

Ce que je vois, c’est que, pour le moment, le pari est gagné : économiquement, ça a l’air de bien fonctionner, Ulterïa attire les collaborateurs et crée indubitablement de la valeur sur ce territoire. A suivre !

Quelques ressources :

Écologie intégrale : Laudato si’ – Pape François avec les images de Yann Arthus Bertrand

Construction cradle to cradle : pour des biens immobiliers circulaires de haute valeur, flexibles dans leur usage, et sains pour les utilisateurs

Tipping point avec Alexis Nollet (podcast)

Equipe de choc avec Alexis Nollet (podcast)